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DEBAT DE HAUT NIVEAU MINISTÉRIEL DU CONSEIL DE SECURITE SUR LE « RÔLE DES ETATS, DES ORGANISMES SOUS-REGIONAUX, REGIONAUX ET DES NATIONS UNIES DANS LA PREVENTION ET LA RESOLUTION DES CONFLITS » DISCOURS DE SON EXCELLENCE MONSIEUR MARCEL AMON-TANOH MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES DE LA REPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE
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New York, le 6 décembre 2018

A vérifier au prononcé




Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies;
Monsieur le Président de la Commission de l’Union Africaine;
Monsieur le Président de la Commission de la CEDEAO;
Messieurs les Ministres;
Mesdames et Messieurs le Représentants Permanent;
Distingués invités;
Mesdames et Messieurs.


C’est pour moi un insigne honneur et un privilège de présider la séance du Conseil de ce jour, après celle d’hier présidée par Son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA, Président de la République de Côte d’Ivoire. C’est le second débat de haut niveau, ministériel cette fois-ci, que mon pays organise dans le cadre de sa présidence du Conseil de sé-curité.

Je voudrais remercier M. Antonio GUTERRES, Secrétaire Général des Na-tions Unies, qui honore la Côte d’Ivoire de sa présence, deux jours suc-cessivement, hier déjà, à l’occasion du débat de haut niveau présidentiel et aujourd’hui encore. Je le félicite pour la qualité de son exposé.

Je voudrais remercier également mes deux frères, leurs Excellences Moussa Faki MAHAMAT, Président de la Commission de l’Union Africaine et Jean-Claude BROU, Président de la Commission de la Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest, qui après leurs présences d’hier, nous font l’honneur d’être parmi nous aujourd’hui. Je les félicite pour leurs remarquables contributions au débat de ce jour.

Je tiens à souhaiter la cordiale bienvenue à tous mes homologues mi-nistres, ainsi qu’à toutes les éminentes personnalités, qui ont bien voulu honorer notre invitation, en rehaussant de leur présence distinguée cette séance, portant sur un thème qui nous est cher, à savoir le « RÔLE DES ETATS, DES ORGANISMES SOUS-REGIONAUX, REGIONAUX ET DES NATIONS UNIES, DANS LA PREVENTION ET LA RESOLU-TION DES CONFLITS »


Mesdames et Messieurs,

La multiplication et la persistance des conflits dans le monde qui mettent à rude épreuve l’Architecture de Paix des Nations Unies ainsi que les dif-férents mécanismes de prévention et de résolution des crises, continuent de représenter, pour notre Conseil et pour la Communauté internationale, d’importants défis et des sources de réflexion collective.

Face à la complexité de la situation, il est de plus en plus nécessaire d’adopter des approches innovantes et inclusives qui sortent des sentiers battus, et font appel, dans une synergie d’action, à une plus grande im-plication de tous les acteurs nationaux, sous-régionaux, régionaux et in-ternationaux, dans la prévention et la gestion des conflits.

Dans ce monde globalisé, où aucune organisation ne saurait à elle seule porter le poids de la responsabilité de la gestion des menaces qui pèsent sur la sécurité collective, le renforcement de la coopération et de la coor-dination entre les acteurs nationaux, les organisations sous- régionales, régionales et les Nations Unies, s’impose comme une impérieuse nécessi-té.

La recherche d’une approche plus inclusive de tous les acteurs, prenant en compte une claire définition des responsabilités, demeure, à notre sens, le moyen le plus efficace pour assurer la prévention et la gestion des conflits qui sont au cœur de l’agenda du Conseil de sécurité et fon-dent son existence.

En effet, le processus de prévention et de gestion des conflits, de plus en plus polymorphes, passe inévitablement par l’existence d’une stratégie commune, acceptée par tous, bénéficiant de l’appropriation nationale et comportant des priorités claires auxquelles l'ONU, la Communauté inter-nationale et les partenaires nationaux devront consacrer des ressources suffisantes. Le cas de mon pays en est une parfaite illustration.

Assurément, c’est aux Etats que revient la responsabilité première de dé-celer et d’annihiler les facteurs structurels et conjoncturels propices au déclenchement des crises, notamment par :

- la réduction des inégalités ;
- la promotion de l’État de droit et de la bonne gouvernance ;
- la facilitation de l’accès à l’emploi pour les Jeunes ; et
- l’appui politique à la mobilisation des ressources, tant hu-maines que matérielles.

Après plus d’une décennie de crise, la Côte d’Ivoire, qui a très tôt perçu les enjeux du retour à la stabilité, s’est résolument engagée sur la voie de la consolidation de la paix, grâce à l’excellente collaboration entre le Gouvernement ivoirien et les Nations Unies, par le biais de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI).

La conjugaison des efforts nationaux et internationaux a abouti à la mise en place, dans le cadre du Fonds d’appui à la Consolidation de la paix, d’un Plan conjoint, dénommé « Plan d’Action Prioritaire de Consoli-dation de la Paix» (2011-2014 et 2015-2017) doté de 30 millions de dol-lars, qui a accompagné les efforts endogènes en matière de gouver-nance, de préservation du climat social, de normalisation de la vie poli-tique et de sécurisation des personnes et des biens.

En conséquence, le Gouvernement ivoirien, avec le concours de ses par-tenaires, est parvenu à restaurer l’Autorité de l’Etat et la sécurité sur l’ensemble du territoire national, à accélérer et à rendre irréversible la ré-conciliation nationale et la cohésion sociale, à mener avec succès le DDR et la RSS, et à promouvoir l’Etat de droit et les droits de l’homme.

Depuis le départ de l’ONUCI, en juin 2017, le Gouvernement, qui a capi-talisé sur tous ces acquis, poursuit cette trajectoire vertueuse, avec le soutien de l’Equipe pays des Nations Unies sur le terrain.

Le soutien du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) au Plan National de Développement 2016–2020, en est un témoi-gnage éloquent.

Ces actions ont permis de préserver l’Etat et ses Institutions et d’organiser les élections nationales et locales dans la paix et la stabilité, ce qui a fortement contribué à la croissance économique actuelle de la Côte d’Ivoire.

L’expérience ivoirienne en matière de maintien de la paix ainsi qu’en ma-tière de consolidation et de pérennisation de la paix a donc vocation à être poursuivie et partagée.


Mesdames et Messieurs,

De profondes évolutions sont intervenues ces dernières années, dans la prévention, la gestion et le règlement des conflits en Afrique. Elles sont notamment marquées par un partage des responsabilités et la primauté des acteurs sous-régionaux et régionaux, dans la conduite des premières initiatives de paix, après l’éclatement d’un conflit, selon le principe de subsidiarité. C’est au nom de ce principe que la CEDEAO joue un rôle de plus en plus déterminant et de premier plan, dans le règlement des con-flits de son espace.

Ainsi, dans mon pays, les négociations conduites par le Sénégal, en sa qualité de Président en exercice de la CEDEAO, ont abouti au premier ac-cord de cessez-le-feu avec la rébellion ivoirienne en octobre 2002 à Bouaké. Par ailleurs, dans le cadre des mécanismes de la CEDEAO, le Togo a abrité les premières négociations inter-ivoiriennes d’octobre 2002 à décembre 2002, qui ont eu le mérite de poser le principe d’une solution politique au conflit. Je voudrai saluer également la médiation d’autres pays amis tels que le Ghana et l’Afrique du sud, sous l’égide desquels un certain nombres d’accords entre les parties belligérantes ivoiriennes ont été signés. L’Union Africaine puis les Nations Unies ont par la suite pris le relais de l’action de la CEDEAO, dans la conduite des processus politiques et militaires. Enfin le Burkina Fasso a joué un rôle déterminant, dans l’organisation de l’élection présidentielle d’octobre 2010 dans mon pays.

Au Mali en 2012, c’est la détermination du Président Alassane Ouattara, alors Président en exercice de la CEDEAO, et la mobilisation de ses pairs, qui ont permis le retour à l’ordre constitutionnel dans ce pays, après le putsch du capitaine Sanogo. Cet engagement régional a également per-mis la mobilisation de la communauté internationale, notamment l’intervention militaire de la France, qui a empêché la prise de Bamako par les groupes terroristes en provenance du nord du pays. Je voudrais ici remercier les autorités françaises, pour l’action que mène l’Armée française au Sahel, contre les groupes terroristes qui menacent notre sé-curité commune.

Il en fut de même pour le retour à l’ordre constitutionnel en Guinée-Bissau en 2012, et le soutien à l’organisation des élections présidentielle et législatives en 2014. Par ailleurs, la sécurité et la stabilité de la Guinée-Bissau sont essentiellement assurées par des contingents de la CEDEAO, dans le cadre de l’ECOMIB.
Dans toutes ces situations l’Union Africaine, puis les Nations Unies ont pris la relève de la CEDEAO au plan politique et sécuritaire.

Il résulte clairement de ce qui précède que la coopération étroite de l’Etat avec les Organisations sous-régionales, régionales et les Nations Unies, constitue un atout indéniable pour la prévention et la gestion des crises.

Dans ce sens, le partenariat stratégique entre les Organisations régio-nales et les Nations Unies, conformément au chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, doit davantage être orienté vers l’action et le résultat, ainsi que la responsabilité partagée, l’esprit de coopération et une coor-dination renforcée.

A cet égard, l’Union Africaine, à travers ses mécanismes régionaux de prévention et de gestion des conflits, s’est imposé aujourd’hui comme un partenaire essentiel et crédible des Nations Unies.

A cet effet, la signature le 19 avril 2017, entre le Secrétaire général de l’ONU et le Président de la Commission de l’Union Africaine, du Cadre commun ONU-Union Africaine pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité, est l’expression de l’engagement stratégique de ces deux Organisations, à faire face aux menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité sur le continent.

Aujourd’hui, les mécanismes politiques et militaires déployés par les Or-ganisations sous-régionales et régionales, dans le cadre de la prévention et de la résolution des conflits, qui ont déjà fait la preuve de leur efficaci-té, méritent d’être renforcés afin d’être plus performants.

Mesdames et Messieurs,

Le Maintien de la paix, outil essentiel des Nations Unies pour promouvoir et veiller à la paix et à la sécurité internationales, fait face à de nom-breuses difficultés qui affectent considérablement son efficacité.

L’étendue des défis auxquels notre monde est confronté appelle des me-sures diligentes de notre part, d’où la pertinence de la réforme du Secré-taire Général, « Action pour le maintien de la paix », à laquelle mon pays adhère pleinement.

Il importe de rappeler qu’au nombre des obstacles majeurs à l’efficacité des Opérations de maintien de la paix, figurent, entre autres, la percep-tion que se font les pays et les populations hôtes de ces missions, l’imprécision de leurs mandats, et leur inadéquation avec les ressources humaines et logistiques disponibles.

Il convient de garder à l’esprit que les Opérations de maintien de la paix, dotées de mandats clairs, précis et objectifs, viennent en soutien au pro-cessus politique national.

La Côte d’Ivoire soutient la vision du Secrétaire Général sur le maintien de la paix, qui relève avant tout d’une responsabilité collective; d’où la nécessité d’agir ensemble, afin de relever, à travers les Opérations de maintien de la paix, les défis contemporains à la paix et à la sécurité.

Par ailleurs, le renforcement des capacités des troupes, et la prise en compte de la dimension genre au sein des Opérations de maintien de la paix, sont autant d’éléments qui pourraient jouer un rôle déterminant dans la bonne exécution de leur mandat.

Mesdames et Messieurs,

La sécurité internationale demeure inextricablement liée à la paix et à la sécurité en Afrique, continent où les défis sécuritaires complexes et multi-formes, ainsi que la perpétuation des conflits, sapent les ressorts de la stabilité et du développement.

En ce qui a trait à la mobilisation des financements au niveau africain, la Côte d’Ivoire se félicite de ce qu’en 2017, le Fonds pour la paix de l’Union Africaine ait reçu les contributions les plus élevées des Etats membres, depuis sa mise en place en 1993.

A ce propos, il importe de relever, encore une fois, que seule une action solidaire entre les Nations Unies et l’Union Africaine permettra d’envisager des solutions appropriées et durables, dans le cadre d’une vision com-mune du maintien de la paix et de la sécurité en Afrique.

C’est tout le sens de l’étroite coopération entre ces deux Organisations qui mérite d’être encouragée et renforcée, notamment en ce qui con-cerne la question déterminante du financement des Opérations de paix africaines.
A cet égard, mon pays salue l’évolution progressive des approches visant à améliorer le financement des Opérations de soutien à la paix en Afrique, étant entendu que cette étape apparaît comme un maillon es-sentiel du processus de stabilisation du continent.

En effet, la Résolution 2320 (2016) a marqué une étape majeure dans l’engagement de l’ONU aux Opérations de paix de l’Union Africaine, en manifestant sa disponibilité à examiner les propositions de financement, conformément, entre autres, aux obligations internationales applicables aux principes de responsabilité et de transparence, auxquels sont soumis les Opérations de soutien à la paix de l’Union Africaine.

Dans cet ordre d’idées, la Résolution 2378 (2017) constitue également un pas important dans la bonne direction, en ce qu’elle exprime l’intention du Conseil de sécurité d’examiner les dispositions pratiques et les condi-tions nécessaires, pour la mise en place d’un mécanisme, à travers lequel les Opérations africaines autorisées, conformément aux dispositions du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, pourraient être financées au cas par cas.

Mon pays est d’avis qu’il convient, dès lors, de prendre des mesures sur la base d’engagements plus hardis, visant notamment à la mise en place de financements souples, prévisibles et durables, fondés sur les contri-butions statutaires.

C’est pourquoi la Côte d’Ivoire invite toutes les parties prenantes à fran-chir une étape supplémentaire, afin de trouver des solutions durables et indispensables au fonctionnement efficace des Opérations de soutien à la paix de l’Union Africaine.

En tout état de cause, c’est dans le cadre d’un effort solidaire et d’une réelle implication de tous ses acteurs que la Communauté internationale parviendra à renforcer les mécanismes de règlement et de prévention des conflits, susceptibles de contribuer efficacement à la paix et à la sé-curité internationales.

La Côte d’Ivoire entend y prendre toute sa part, et espère que son expé-rience, en matière de sortie de crise, qu’elle tient à partager, contribuera à l’atteinte de cet objectif, pour le bonheur des peuples et le développe-ment de l’Afrique.

Je vous remercie.

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